jeudi 1 octobre 2009

Le web 2.0 en 3 concepts (partie 2) La nouvelle transparence

Dans cette série sur le web 2.0 en trois concepts (qui se déploie au super-ralenti j'en conviens!), j'aborde maintenant un thème qui me fait beaucoup réfléchir par les temps qui courent: la transparence.

La transparence est un concept clé en relations publiques. En son nom, les organisations acceptent d'attribuer des ressources considérables à la diffusion d'informations et à la communication avec ses publics. Sans toujours pouvoir en mesurer les retombées concrètes, la plupart des gestionnaires pourraient assez aisément convenir que la transparence est essentielle à l'atteinte des objectifs d'affaires de leur organisation. Mais en cette ère du web 2.0 la question se pose: est-ce que nos dirigeants sont prêts à s'adapter à la nouvelle définition de la transparence?

Par exemple, est-ce qu'un président d'entreprise d'ici serait prêt, suite à une interruption de production ou de service de son entreprise, à s'excuser publiquement comme l'a fait le président de Flickr sur le blog de son entreprise ? Pas des excuses formatées et aseptisées comme on en trouve dans beaucoup de textes institutionnels, mais dans l'esprit du texte de Stewart Buttlefield dont le titre sans détour était: « Sometimes we suck » ?

Plus près de nous, combien de dirigeants d'agences de pub ou de relations publiques québécoises approuveraient la publication d'un texte sur leur site web comme celui publié récemment par l'agence Provokat intitulé « On s'est trompé » à propos d'un projet pour un client qui n'a pas donné les résultats satisfaisants ?

Personnellement, je ne serais pas prêt à gager beaucoup d'argent là-dessus! Dans la culture managériale ambiante, ce type de transparence, il me semble, a plus de chances d'être associé à un excès de naïveté ou à une erreur de jugement, qu'à une décision avisée. De fait, en général, je dirais que la transparence est plutôt synonyme pour nos dirigeants de contrainte à laquelle on se plie volontiers pour éviter des confrontations avec la société civile. Ce que je veux dire, c'est que la transparence est définie et vécue de manière négative et défensive. C'est du moins l'impression que j'ai quand je discute de transparence avec des gestionnaires. On me parle de la loi d'accès à l'information, on me parle de Sarbanes-Oxley (en relations avec les investisseurs) bref, on me parle de contraintes. Or, la transparence à l'ère du web 2.0, c'est plus qu'une contrainte, c'est une valeur.

La nouvelle transparence des relations publiques

Mais la nouvelle transparence ne s'arrête pas là. Elle pose des exigences qui remettent en question plusieurs pratiques établies en relations publiques.

Un exemple? Une partie importante de notre travail en relations publiques consiste à mettre en forme les textes, déclarations, allocutions ou citations qui seront attribuées à nos patrons ou nos clients. Nous sommes les auteurs des textes d'opinions qu'ils signent dans les pages d'opinions des médias, nous sommes les auteurs de leurs messages aux actionnaires dans les rapports annuels. Bref, nous faisons du « ghost writing » pour nos patrons et nos clients.

Dans un monde de communication unidirectionnelle où le temps et le procédé le permettaient, cette pratique pouvait convenir. L'instantanéité et l'interactivité associées aux médias sociaux changent la donne. Comment continuer la pratique du « pré-formatage » des messages d'un porte-parole et du ghost writing quand la communication devient une conversations ? Comment offrir un « rendu » des propos de nos porte-parole qui soit crédible aux yeux des publics d'une organisation?

Plusieurs théories s'affrontent sur les nouvelles pratiques à adopter dans ce domaine, particulièrement en ce qui concerne les blogs d'entreprise. Pour certains, la pratique du ghost blogging n'est pas une pratique qu'on devrait encourager, comme le souligne la Chartered Institute of Public Relations dans son cahier de normes à propos des médias sociaux. Cette option, d'abord jugée extrême par certains, en a tout de même converti plusieurs. Pour d'autres, la pratique est tout-à-fait acceptable, si elle respecte certains principes liés à l'éthique professionnelle.

Entre ces deux positions extrêmes, il y a toute une gamme d'options. Celle qui me semble la plus intéressante, du moins celle que j'explore avec le plus d'intérêt est celle rapportée ici par Dave Fleet (voir à l'intertitre « Disclose »). Comme il le souligne à juste titre, personne ne s'attend à ce que les billets et les tweets de Barack Obama soient tous écrits de sa main (ou de ses pouces!). Selon cette approche, si les propos d'un client ou patron sont écrits par un rédacteur ou relationniste, qu'il s'agisse d'un billet de blog, d'un tweet, ou autre texte publié dans un média social, la signature du texte devrait rendre public le fait que les propos sont publié par X (le rédacteur) au nom de Y (le client ou patron).

Chose certaine, peu importe l'approche retenue pour la rédaction des textes des porte-parole d'une entreprise, la vrai transparence se joue dans la conversation qui suit et qui s'établit avec les lecteurs qui réagissent et publient des commentaires. Comme le dit Pierre Bouchard ici, quand le client décide de bloquer les commentaires parce que ça devient trop chaud, mieux vaut peut-être trouver d'autres moyens de communication que le blogue pour atteindre ses objectifs de communication.

Cela dit, et je vous laisse sur cette réflexion, en tant que professionnels, nous devons reconnaître que les moyens de communication dits traditionnels et l'approche unidirectionnelle qu'ils proposent ont entrepris leur déclin. Jusqu'où cela ira, difficile à dire. Mais une chose est sûre: nous avons un rôle à jouer pour aider nos organisations à faire les bons choix face aux nouvelles réalités du web 2.0. C'est certes plus simple et plus sécurisant de se replier sur les outils et les approches qui ont toujours fonctionné, surtout dans un domaine comme le nôtre où nous devons gérer la réputation de nos organisations et celle de ses principaux dirigeants. Là-dessus, je vous suggère une lecture de chevet qui a été publié en 2007 (une éternité en temps web!!!), mais qui plaçait déjà très bien l'importance du défi auquel nous faisons face présentement. Il s'agit d'un rapport publié par l'Arthur W. Page Society qui s'intitule THE AUTHENTIC ENTERPRISE. RELATIONSHIPS, VALUES & THE EVOLUTION OF CORPORATE COMMUNICATIONS. On y place très clairement le défi des nouveaux médias comme étant l'un des grands rôles stratégiques que les communicateurs devront jouer dans leur organisation au cours des prochaines années.


Prochainement (j'essaierai cette fois-là d'aller plus vite!): Troisième et dernier texte de la série Le web 2.0 en trois concepts: « En tout temps, en tout lieu ». Il sera bien sûr question du web 2.0 combiné au mobile.