dimanche 28 juin 2009

Le web 2.0 en 3 concepts (partie 1) / L'érosion du pouvoir des communicateurs

L'éclatement de la bulle Internet au tournant du siècle a conforté plus d'un professionnel de la communication convaincus que le web n'était qu'une "mode" qui finirait bien par passer. On pouvait donc retourner aux "choses sérieuses" si l'on peut dire, c'est-à-dire aux communications de masse telles qu'on les pratiquait depuis le milieu du 20e siècle...

Sauf qu'entre temps, le web a poursuivi son évolution et le nombre d'usagers a continué de croître. Et cette évolution du web s'est faite de telle sorte qu'elle permet désormais aux usagers de bouleverser l'ordre établi en devenant eux-mêmes des producteurs et des diffuseurs de contenus au même titre que les professionnels de la communication.

Le Québec est lent à s'intégrer à ce mouvement de fond, de sorte que nous avons encore un peu de temps pour nous préparer au changement. Mais la question n'est plus de se demander si le changement surviendra, car le mouvement est enclenché, inéluctablement.

Aujourd'hui, je vous présente le premier des trois concepts qui, à mon sens, constituent les fondements de la révolution du web 2.0, une révolution qui amorce une mutation profonde des métiers de la communication. Ce premier concept est à mes yeux le plus important, le plus dérangeant et le plus excitant des trois. Ce concept, c'est la perte de contrôle des professionnels sur le processus de communication. Que l'on soit relationniste, journaliste ou publicitaire, nous pratiquons tous notre métier avec le même à priori: la production et la diffusion des contenus diffusés publiquement sont affaire de spécialistes qui oeuvrent dans des structures industrielles aussi coûteuses qu'inaccessibles pour le commun des mortels. Des industries où le simple citoyen est réduit au rôle de consommateur des contenus élaborés par les professionnels.

Le web 2.0 présente une nouvelle dynamique qui remet en question ce modèle industriel. En effet, il offre à l'usager des outils accessibles, conviviaux et gratuits qui lui permettent de participer à tous les aspects de la création de contenu. Mais sa plus grande force, à mon avis, tient aux outils qu'il offre aux "webacteurs" pour harnacher le "bouche à oreille à grande échelle" que les médias sociaux mettent à sa disposition. Ainsi, de simples usagers peuvent créer, mettre en forme et diffuser des contenus, au même titre que le font les professionnels de l'information et de la communication. Avec des résultats qui ne cessent d'étonner.

Quelques exemples récents?

Prenons ce qui se passe présentement en Iran. Tout le monde a entendu parler de l'impact de Twitter sur la couverture des événements marquant la contestation populaire des résultats des dernières élections. Mais avez-vous vu les contenus créés et échangés? Pour la plupart d'entre nous, nous avons appris l'importance de Twitter dans la couverture des événements en Iran parce que les médias traditionnels en ont parlé tout simplement. Et plusieurs se sont dépêchés à questionner le sérieux des informations relayés par des usagers de Twitter sans filtrage ni vérification comme le veut la démarche journalistique. Et à cet égard, il est tout à fait légitime de se demander s'il est possible de faire de l'information crédible à coup de messages de 140 caractères... Mais ce que plusieurs ont oublié dans cette histoire, c'est la richesse des contenus qui nous sont parvenus grâce à la combinaison de Twitter avec d'autres outils du web 2, notamment avec Flickr pour la diffusion de photos et YouTube pour la diffusion de vidéos.

Autre exemple, qui touche cette fois les entreprises: la mobilisation de quatre mille étudiants britanniques via Facebook en juin 2007, quand la banque HSBC décide de faire payer 9,9% d’intérêts sur les comptes des étudiants qui sont à découvert d'au-moins 1500 livres sterling. Cette campagne a eu un tel impact que la banque a reculé évoquant qu'elle "avait écouté les besoins de ses clients".

Un exemple d'une opération de sensibilisation maintenant? En voici une à l'occasion de la Journée mondiale contre l'homophobie en mai dernier. Initiée par un jeune gai australien membre de YouTube, cette création collective approche du million de visionnements sur YouTube sous toutes ses formes.

Avouons que l'efficacité de cette vidéo totalement réjouissante et politiquement incorrecte vaut bien celle de bien des campagnes sociétales institutionnelles!

Prochain billet: deuxième partie du texte "L'érosion du pouvoir des communicateurs" qui portera sur les usages du web 2 dans les organisations

3 commentaires:

  1. Serge,

    Intéressant, mais une petite question cependant : existe-t-il des exemples québécois aussi éloquents que ceux que tu évoques pour illustrer le phénomène ?

    Matthieu

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  2. Le Québec est lent comme je le mentionnais. Les exemples ne sont donc pas légion.

    À ma connaissance, le cas de la vidéo de Jean-François Mercier se plaignant de Bell sur YouTube, est parmi les productions faites maison les plus connues et les plus vues sur le web québécois. Près de 700 000 visionnements, c'est quand même beaucoup de monde pour une vidéo dont personne n’avait parlé dans les médias traditionnels avant qu’elle atteigne les 200 000 visionnements.

    Une vidéo qui a poussé Bell à régler le dossier rapidement.

    http://www.canoe.com/divertissement/tele-medias/nouvelles/2008/01/09/4761199-jdm.html

    http://www.youtube.com/watch?v=OwsPTa0Slno

    Curieusement, les exemples d'organisations québécoises qui commencent à s'adapter au web 2.0 sont plus nombreux. J'y reviens dans mon prochain billet.

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  3. Serge,

    Sophie Allard, par le biais du groupe de discussion RP2.0 (dans LinkedIn) relaye un article de la CBC plutôt bien documenté sur cette question de l'érosion ( ou perte de contrôle) des communicateurs. Je crois que tu en apprécierais la lecture.

    http://www.cbc.ca/canada/story/2009/06/17/f-basen-news-20.html

    Enfin, pour répondre à la question de Matthieu, n'oublions pas le fameuse vidéo Culture en péril de l'automne 2008 qui a eu des effets mobilisateurs assez important et qui a été vue par près d'un demi million de Québécois en mons de trois jours...

    Merci et bonne continuation !

    Parice Leroux

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